mardi 17 novembre 2015

Nous sommes en guerre, mon fils

Anesthésiée. Entre quelques images mal choisies pour "illustrer" le drame, pas de pleur, pas de mot, je me suis enfuis dans la lecture... un beau roman noir pour découvrir cette couleur ailleurs que sous mes fenêtres.
J'avais de moins en moins utilisé ce média pour prendre position, ou si peu, entre les lignes. Moins de personnel, sous entendu plus de constructif. Bah, si tant est que ce blog soit un temps soit peu intéressant autrement que par le défi intellectuel (pas toujours d'ailleurs) de le faire perdurer. Et puis si, quelque fois il me faudra reprendre le clavier pour écrire un billet un peu plus construit.

Oui mon fils, nous sommes en guerre. Pas la première, pas la seconde... pas une guerre mondiale.
Je ne suis pas au fait de l'actualité. J'ai tellement de failles culturelles, générale, politique, économique mais aussi dans les arts que j'aime tant. Souvent je ne comprends pas grand chose à la première écoute ou lecture. Bah oui mon amour, c'est compliqué de mettre en branle le cerveau quelque fois. Je n'ai malheureusement pas été éduquée à prendre place dans la société, ni à prendre position. Comment aurais-je fait sans base, sans analyse, sans référence, sans droit de parole et d'écoute? Cet investissement de l'esprit en dehors des méandres du mien est un long chemin...
J'ai tout de même compris, par référence interposée "Atlas du monde global", que la guerre change de visage: elle est devenue plus ciblée et... terroriste. Je ne crois pas en un clash religieux, ni même culturel. Daesh ne prône pas l'islam mais un fanatisme, une radicalisation, une liberté bafouée.
Je sais enclencher la discussion mais suis encore incapable de te donner des pistes, mon fils. Il faudra les trouver toi-même.
Le silence.
Oui une sidération puis la vie. Surtout réfléchir, construire sa pensée, continuer encore et encore.

***
Voici deux penseurs au sens de en réflexion, des mises en conscience comme je les aime:

Joann SFAR, auteur et illustrateur, dans "Boomerang" d'Augustin TRAPENARD sur France Inter. Il y parle aussi de ce pari de la joie, du philosophe Clément ROSSET.


Puis Fabrice COLIN, auteur prolixe et intellectuel.... Je vous laisse lire le début et mets ici la fin pour l'impulsion finale.
"[...] Au bout de deux jours nous nous engueulons parce que c'est dans notre nature, parce que nous avons le droit de le faire mais ne vous y trompez pas, nous savons être seuls ensemble, nous savons ouvrir une porte, donner notre fric, ouvrir un livre, jucher un enfant sur nos épaules, nous savons avoir peur et sortir pourtant, nous savons nous souler et restez sobres, l'espoir marche avec nous, le feu, l'amour secret, nous connaissons les règles de la compassion, nous savons être trois millions et dix fois plus s'il le faut, vous n'obtiendrez rien de nous, vous ne détruirez jamais l'esprit de cette ville, son histoire, nous ne sommes jamais aussi chiants que quand on nous fait chier, aussi intenses que lorsqu'on veut nous condamner à la terreur, aussi unis que lorsqu'on veut nous séparer, nous sommes Paris, sans hashtag, sans drapeau et sans Dieu ou avec, je bois à votre paradis qui n'existe pas, je lui préfère mille fois l'enfer ici-bas."


*photographie de Paul ALMASY, Rock'n Roll sur les quais de Paris, 1950

***
Faire le pari de la joie.
Je ne sais pas si je vais t'aider dans l'apprentissage de la fête. Je n'ai jamais rien fêter, pas forcément les anniversaires (ni 10, ni 20, ni 30, ni même mes 40 ans). Nous avons célébré le mariage de tes parents avec toi, mon fils, mais je n'ai même pas pu danser, pas pu rire... engluée que je suis.
Je n'ai rarement pu boire pour profiter du partage. Je n'ai pas encore danser avec les amis. Je rêve encore de ces grandes tablées où nous referons le monde. Des amis à la pelle, moi qui en ai si peu. Des discussions à n'en plus finir, des réflexions, des constructions de l'esprit, des partages de points de vue... des engueulades aussi. J'en rêve. Je rêve de te donner cette envie-là: d'être bien accompagné, d'être consolider dans le débat, la prise de position, la critique, le partage.

Par contre fais moi confiance.
Je te ferais encore l'apologie de la mixité, de la richesse des partages culturelles, au sein même de la France.
Je te mettrais dans les mains de la littérature, quoiqu'elle soit parce que les bibliothèques sont essentielles.
Je serais là aussi pour accompagner l'éducation nationale, pour t'aider à apprendre à lire les images, à suivre les enjeux géostratégiques, à critiquer les pensées.

Faire le pari de l'éducation, de la présence aux autres, de la réflexion. Oui.

Faire le pari de la joie. Oui il va te falloir inventer ta manière d'être gai - pas forcément heureux - mais faire le choix du sourire, de l'accolade. Faire le choix des partages, des discussions animées, du bruit, de la musique, de la fête, de la sensualité, de la sexualité.
Oui mon fils, il va te falloir profiter. Malgré tout.

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