Ma maman passe le perron et me dit « Il faut absolument que tu viennes à ce vernissage ! » . Elle connait mon opinion sur ces attroupements de gens choisis, triés sur le volet, qui viennent la plupart du temps pour les petits-fours et la coupe et non pour l’artiste. Mais il faut faire avec, ce sont les personnes qui ont l’argent, ceux qui peuvent s’offrir de l’art. Comme je vous l’ai dit plus tôt, j’aurais aimé être mécène , de celui-ci comme d’autres et j'aime trop la création pour passer à côté.
Alors oui, je suis venue me faufiler, en tenue de ville et non endimanchée, parmi ces gens « bien » pour voir le show.
Je suis à chaque fois troublée quand je vois un artiste créer sous mes yeux, j’ai l’impression d’être inconvenante… assis en lotus, il peignait à l’encre de chine sur papier de soie coréen d’après modèle. Ces nus féminins étaient d’une splendeur. Ils étaient à vendre ou détruits sur place. Cette rencontre dans une galerie m’a émue autant qu’aurait pu l’être la visite de son atelier. D’ailleurs un peu de son univers était là aussi : la pile de papier de riz ou de soie, les pinceaux, l’encre, les sceaux gravés et les œuvres sculptées ou peintes finies en exposition et puis cet artiste se confond avec son art, il ne parle pas, il observe et, de sa posture zen, peint…
« Peintre et graveur, Choi Kyu-Il est un artiste complet. Il faut l’avoir vu dans son atelier, au centre de Séoul pour s’en convaincre. Il y est comme dans son royaume, entouré d’objets de toute sorte, et notamment de sceaux en bois ou en pierre dure gravés de signes hiéroglyphiques, caractères chinois archaïques ou coréens contemporains. »
Je suis restée accroupie à côté de lui à le regarder, à admirer ses gestes, à retenir mon souffle de le voir suivre le sien dans son mouvement. Les autres regards, un peu comme au tennis, passaient du modèle déshabillé (charmant au demeurant) au lavis fait sous nos yeux. Les miens étaient fascinés par la création même. Le show arrêté, les visiteurs se sont mis à papoter debouts, comme ils sont restés tout ce temps, leur verre à la main et perdant tout intérêt pour cet artiste qui remballait ces trésors/outils de création. Moi, je suis restée accroupie, son univers me tentait beaucoup plus que le mien. J’avais plein de questions en tête, aucune n’est venue sur mes lèvres, j’ai préféré le silence pour ne pas aggraver ce moment perdu d’un quiproquo supplémentaire (culturel et irrespectueux de l’artiste).
Je me suis levée pour acheter (avec mon argent d’anniversaire fourni le matin même par Mam, ma grand-mère) un livre de ses œuvres "Hyun-no injon, Hyun-no SealEngraving Works", sur les pierres gravées, l’autre sur ses lavis n’était plus en stock. Et je me suis mise à distance raisonnable de Mr CHOI Kyu-Il. Il répondait aux demandes de mes concitoyens, regardait d’un œil absent les transactions de ces œuvres peintes en quelques secondes devant nous. A-t-il vu ma maman me tarauder pour l’aborder, a-t-il remarqué mon admiration pour son travail qui n’a pas été amoindri par l’arrivée de l’alcool et des gourmandises. Je ne sais pas. En tous cas, il m’a pris d’un geste sûr mon livre des mains et sur la couverture m’a peint un nu féminin….
« Le sceau gravé par Choi Kyu-Il, à un certain moment oublie de n’être qu’une écriture pour devenir paysage, tableau abstrait, lignes ondulées aux confins d’un imaginaire maîtrisé et techniquement traduit avec perfection.
Pour la petite histoire disons que Choi a gravé environ 300 000 sceaux depuis une trentaine d’années, dont le texte entier du Sutra du Diamant (kumganggyong) en 1111 pierres de 6x6cm chacune. »
*source photo : Sutra du Diamant ici où il ne faut pas hésiter à lire "l’Orient et l’imprimerie".
« Un des projets qu’il caresse est de pouvoir présenter un jour cet ensemble unique de sceaux gravés dans un musée qui lui serait consacré. C’est certainement pour cela qu’il ne cherche pas à vendre ces objets qu’il considère comme faisant partie de l’héritage culturel coréen.
Et lorsque l’on sait que, pour cet artiste à la barbe de sage et aux longs cheveux, chacun de ces sceaux représente une sorte de voyage intérieur, on se rend compte de la profondeur avec laquelle il travaille sans relâche, infatigable. » (extraits de Univers des Arts, "CHOI Kyu-Il, Voyages à travers la pierre" article de Patrice de la Perrière)
En relisant son article, les « autres » buvaient du beaujolais nouveau… et si pour Mr de la Perrière « la diversité des cultures permet de constater que le talent n’a pas de frontières », je me permets de lui dire que là, lors de ce « show », nous avons montré une grossièreté toute occidentale !
Rajout: une autre de ses oeuvres là
12 commentaires:
Tu as eu l'attitude qu'il fallait et tu as vécu cet instant présent dans le respect et de l'artiste et de l'homme. Ainsi il a su posé son sage regard sur toi et son pinceau sur ton livre est le témoignage de sa reconnaissance. Merci de le partager avec nous.
Caroline: j'ai été comblée par son attention...
Pas réservée. Ailleurs ! Dans un monde ou l'art et la couleur prenne une place importante. Et là tu étais dans ce monde en adéquation avec quelqu'un d'autre.
Je suis contente pour toi. Tu as vécu un beau moment.
Notre monde veut que l'on court tout le temps, que l'on soit en représentation tout le temps. En oubliant l'essentiel. En passant à côté de ce qui est beau. Les autres étaient dans le paraître, parce que ça fait "cultivé" d'aller à un vernissage. Et puis il y avait toi qui était là pour admirer le travail de cet artiste.
Il y a de fautes, pardon !
oh c'est pas vrai ! des fautes !
Est-ce que la notion japonaise de "chef d'oeuvre vivant" existe en Corée?
Pourrait-on alors attribuer à cet artiste ce "qulificatif"?
Bellesahi: ailleurs sûrement mais pas forcément juste dans le domaine de l'art....
Marraine: j'aimerais bien! C'est beau non?
Article très intéressant :)
Mr Le Xia Long: ravie de vous savoir dans ses parages. Cet artiste est fabuleux, il est dommage de ne pas mieux connaître son travail. Je n'ai pas pu montrer ses sumi-e fabuleux.
J'ai parcouru enchantée votre site et je me plait à me rêver Le Xia Lin... j'aime beaucoup ce que vous faites et le partage que vous proposez.
les deux o sont partis, pfffu, par un coup de vent...
toutes mes excuses
Ouuuuùùùù? je n'arrive à rien trouver sur lui sur le net!
Planeth: et et parce qu'il n'y a encore rien.... sauf une de ses œuvres en tampon sur un site municipale de Corée! Il y a une autre image du livre dans ce billet ci http://iam-like-iam.blogspot.com/2008/12/th-de-core-gardin-et-amis-envols.html
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