lundi 23 novembre 2009

Mémoire des objets... tu comprendras

J’avais vu le film d’Amos GITAI, le soir même le billet de Lily et la semaine d’après le livre était dans ma boite aux lettres. « Plus tard, tu comprendras » de Jérôme CLEMENT un livre qu’il ne faut pas lire en dilettante, il est précieux, déstabilisant mais sans ce côté sentimentaliste qui peut me faire peur.


Cet homme, adulte, père de famille, va perdre sa mère. Elle ne dit rien sur son passé, sa famille a été tuée dans les camps nazis et… et puis… Et puis elle meurt. C’est alors que tout se délie, tout commence à prendre du sens. Cette mère de famille, parisienne juive, pharmacienne, récupérant des antiquités autant que des cadeaux la redoute va montrer ses différents visages.Ce style me plait. Pas enfantin, ni geignard, juste pertinent avec un regard d’adulte sur nos manquements d’homme. Un amour filial et des non-dits. Ce livre m’a beaucoup plus dans ce rapport à l’histoire familiale, voilée par certains, en demande pour d’autres et les preuves trouvées quand la génération s’éteint. Preuve des drames de la seconde guerre mondiale par rapport aux juifs. Des horreurs des camps mais plus encore des horreurs de guerre, de lâcheté française.

La mémoire des objets est importante dans cette vie-là : un samovar autour duquel elle parle russe, des antiquités japonaises, un poignard. Cette dispersion à sa mort, objets sans sens pour les petits-enfants, avec pour les enfants. Un manque en objets, symboliques d’une vie entre parenthèse, des bijoux pour partir avec le plus vite possible un gros montant d’argent au cou, du luxe pour savoir le mener en dérision, et quand l’appartement est vide, tout se comprend : « une somme de détails presque insignifiants qui, pour mon œil attentif, sont autant de symptômes d’un désordre profond. Rien ne peut y remédier. L’ordre : quel sens donner à ce mot sans la présence de ceux qui l’ont défini ? »


*source netsuke animaliers netsuke animaliers en ivoire dont un lapin, voir billet de Lily
*source inro

Des objets ou des courriers comme preuves de vie : des relations par lettres interposées, parentales ou de couple. Les conventions, les débuts d’un quiproquo peut-être et puis la législation qui a une part belle dans l’œuvre. Une politique des papiers véritable personnage de l’histoire. Les détails deviennent une vie, le commerce de peau de lapin, la villa, l’arrestation ne sont que des maillons.

Et puis cette mémoire, ce devoir de mémoire, prend un nouveau sens à la lecture de ce livre. « La France se reconstruit dans l’oubli de ces épisodes avec la complicité active – j’en suis le fruit- des « israélites » assimilés, tous d’accord pour ne pas se singulariser. Mieux vaut l’ignorance et l’oubli que l’identification, source de réparations peut-être, mais surtout d’ennuis sérieux présents ou à venir. »

C’est aussi, et surtout, l’histoire d’un amour filial. De parole, de honte, de non-dits, de leçons de vie qui, après, deviennent de vrais cadeaux de vie. Et cette présence des dernières années : « L’agonie des vieillards, ces anciens adultes superbes, dont les visages resplendissants reviennent à l’esprit lorsqu’on les voit, misérables, perdus dans leur chemise de nuit, ombres décharnées et mutiques, cette agonie est intolérable. »

Merci encore Lily pour cette lecture. N'hésitez pas à lire son billet (au début du mien) pour reprendre aussi la mise en image par le film, "l'os du livre pas la chair"....

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