Je suis partie sans lecture, ni papier, ni blogesque, en Normandie.
Du vent dans les cheveux, de l’air dans les poumons et la tête : je ne voulais que ça. Ne pas réfléchir, ne pas vouloir partager à tout prix…juste profiter et recharger mon corps et mon cœur meurtris de cette étape qu’est être mère pour une jeune femme qui n’a pas encore digéré tout son passé (j’en parlerais peut-être plus tard). Un homme et un petit d’homme… et mon bonheur était simple.
Mais quand nous fuyons notre personnalité, elle revient au galop. Alors oui, les images, les couleurs (un peu grises dû au ciel voilé de Normandie), les impressions et les mots ne m’ont pas laissée seule longtemps. Ils sont revenus de plein fouet dans ma tête, un peu déchargée des contingences matérielles mais encore si fragile…mais ils se sont présentés par petites touches, pour peut-être me permettre de réapprécier être ce que je suis.
A Trouville, quand les planches de bois sur le sable s’arrêtent et ne forment plus la promenade sur la plage, un grand bâtiment, massif, avec son pendant minuscule, la villa des Roches noires, regarde la mer…
J’ai pensé à vous, lecteurs, lectrices, à vous amoureux des mots et des écrivains. Car cet ancien hôtel a abrité entre ses murs deux grands écrivains,
Marcel PROUST (pendant les étés 1893 et 1894, dans l’appartement 110 du 1er étage)
et
Marguerite DURAS qui achète le 105 en 1963.
« En 1963, Marguerite Duras n’a besoin que d’une poignée d’heures pour acquérir l’appartement 105, au premier étage de l’hôtel des Roches noires où Proust a séjourné soixante-dix ans plus tôt.
"Deux chambres, une salle de bains et une salle de séjour. Tout était minuscule dans la kitchenette qui communiquait avec la salle commune par une ouverture permettant de passer les plats", décrit Aliette Armel dans Marguerite Duras. Les trois lieux de l’écrit.
Un appartement petit, mais exceptionnel. Bien que situé à l’arrière et sur le côté gauche (lorsque l’on est dos à la mer) de l’ancien hôtel, le balcon permet d’apercevoir la plage sur laquelle, à quinze ans, Flaubert a vu une femme qui allait enfanter les Mémoires d’un fou et hanter sa vie. L’hôtel des Roches noires cesse d’être un hôtel en 1959. Il est mis en vente en appartements. De nombreux anciens clients s’en portent immédiatement acquéreurs. Lorsque, quatre ans plus tard, Marguerite Duras lit dans un journal l’offre de vente d’un de ces appartements, l’affaire est assez exceptionnelle pour qu’elle n’hésite pas un instant. Elle connaît déjà la région, pour s’être en particulier rendue plusieurs fois chez les Gallimard, à Berneville.
La révolutionnaire dans l’âme qui vivra mai 1968 devient propriétaire à Trouville et le restera jusqu’à sa mort ! » (source
Terres d'écrivains )
Par dessus "Les Roches Noires" et "Les Roches Normandes"...du ciel, la mer et du sable...
"A Trouville pourtant il y avait la plage, la mer, les immensités de ciels, de sables. Et c'était ça, ici, la solitude. C'est à Trouville que j'ai regardé la mer jusqu'au rien. Trouville c'est une solitude de ma vie entière." (Extrait de « Ecrire » de Marguerite Duras)
Je n’ai pas lu de PROUST (honte à moi !), j’ai lu du DURAS, jeune, j’ai lu du Yann ANDREA sur « cet amour-là ». J’en avais retiré de la passion, de la solitude et …pfui…plus rien. Je suis de celles qui sont persuadée qu’un livre a ses temps de lecture appropriés. Avant, il est trop tôt ; le jour J, ses mots interpellent, émeuvent et nous questionnent sur nous. Seulement alors, la digestion des mots peut être effectuée.
Ma lecture de DURAS n’a pas encore pu être de ces rencontres d’un esprit vers un autre…
*source photo de sa table de travail aux Roches Noires: Hélène Bamberger (extraite de "Marguerite Duras de Trouville")