Ce thé vert de Corée, dont je n’ai jamais connu le nom, m’a été rapporté par un couple d’amis que j’avais dans la période la plus noire de ma vie. De celle d’après les grandes frayeurs et suivant le redoux. De celle qui est encore plus dure que la première parce qu’elle sait qu’il peut y avoir du bon dans la vie, de la soutenance affective, du respect, et que ces derniers ont disparus. De celle de la désillusion encore plus grande, de la trahison et de l’abandon après la confiance.
Ils étaient partis dans sa famille à elle, au pays d'origine, et j’étais passée chez eux juste après, pour les pique-niques entre amis qu’ils proposaient, pour leurs partages dans leur petit appartement. J’avais connu le jeune homme par le travail et il m’avait invitée à un après-midi avec ses amis. Chez lui, j’ai mis une heure avant de comprendre que ce n’était pas chez lui, mais bien chez eux. Jamais ils ne se sont prononcés sur leur couple. Seule la pérennité de mes hôtes en était la preuve.
Ils étaient revenus avec pour moi ce thé vert et du jus de prune locale fabuleux. Ce thé donc a quelques années, il est resté dans une boite hermétique à double fermeture mais… en nez il est presque transparent. Les feuilles, très vertes, sont petites et entortillées, comme un Gunpowder mais en gouttes. La liqueur est ambrée, très limpide et même si la tasse à sentir ne réserve pas des millions d’effluves, il reste, attaché aux parois, une odeur de fleurs blanches. La liqueur est pleine sans amertume avec une petite astringence en fin de bouche. Elle rappelle la châtaigne.
Là tous les souvenirs remontent… leur chez eux avec du Dominique A en fond sonore, leurs conversations intellectuelles poussées, le passage au resto du coin (que je n’ai jamais retrouvé) pour boire/manger la meilleure soupe Phô de ma vie. C’est du côté de Daumesnil, Bercy, si vous avez l’adresse ! De ces après-midi dans le parc de Bercy… et de mes mal-être. J’étais tellement mal, tellement à pomper leur énergie que j’ai laissé les relations s’éteindre. Pourtant je crois qu’ils auraient attendu que j’aille mieux.
Je me rappelle aussi les traductions que Yan-Sang m’avait faites des légendes de mon livre sur l’artiste coréen CHOI Kyu-Il, graveur et peintre, dont je vous parlais là. J’ai choisi la page avec cette pierre gravée de hiéroglyphes chinois ou coréens, de maintenant ou de jadis : sa traduction est « le dragon s’envole »…
*source Harubang : photo de Daviderwin
Il ne me reste plus que ce porte-bonheur coréen… une histoire de gardien de la maison, un Changseung en bois… plus mobile que ces frères en pierre, les Harubang. Je ne sais même pas si Hyung-Jung venait de la province et île de Jeju-do. Alors, après coup j’ai fait le voyage virtuel ici et là, ce qui me permet de me rappeller ce que ces grands-pères de pierre ou de bois veulent dire…
Je ne sais rien, en fait, d’elle et de lui, Robert. Des études littéraires ou de cinéma et puis…
Regret, aujourd’hui j’aurais pu partager avec eux bien plus, avec autant de plaisir, plus de générosité et beaucoup de cœur… mixité, évasion et spiritualité. Il me reste ce gardien coréen et l'envie de les retrouver.