mardi 3 décembre 2024

Aliéné, idiot, arriéré, fou, idiot, imbécile... élèves à besoins éducatifs particuliers

 La boucle se boucle. 

Il y avait des indices à cette vocation tardive de prof.

L'école, cet espace de liberté, de satisfaction d'une curiosité que je réfrénais. Un lieu de paroles, peut-être biaisé mais tout de même. Loin des cuisines, lieux familiaux des femmes de la famille, promptes à parler du médical, du sale, de l'ordure, adeptes de l'hygiénisme. Il y avait bien une grand-mère qui considérait que l'enfant avait le droit à la parole - jusqu'à ce qu'elle soit critique. Des hommes de l'ombre qui ont marqué et laissé des traces indélébiles: des livres, des livres, des livres. Incapables qu'ils étaient d'en parler j'ai dû attendre pour comprendre ce qu'ils voulaient que je lise. Ce petit objet de papier m'a ouvert des portes que j'emprunte, claque, ouvre et ferme, agite en tous sens pour faire passer le vent, les idées.

L'école comme un lieu où je pouvais évoluer, grandir, me permettre de comprendre, de prendre position. Je ne vais pas dire que ce fut le cas. Mais au moins je voyais entre les lignes le champ des possibles. Je n'ai pas compris grand chose même pendant mes études supérieures, juste que j'étais capable de plus... j'allais m'engouffrer dans le plus, toujours, encore, allant chercher encore et encore de quoi réfléchir, contredire et adouber quelques personnes.

Il y avait des indices de cet "attrait" pour l'autre, le différent. Culturel, mis au banc de la cour de récréation, celui qui n'est pas compris, celui qui ne comprend pas. Je n'ai pas vraiment eu d'amis enfant. Par contre, je fus de celle qui, chaque année, a réconforté ceux qui ont subi... raccompagnant, écoutant, consolant, me levant à pas d'heures avec les pionnes d'internat. Il y avait bien-sûr l'enfance et l'adolescence comme lieux de transition.

Voir des enfants, dit "arriérés", dans les hospices, juste atteints de trisomie 21, d'autres dans des établissements sans éducation réelle. Puis vivre de l'intérieur la construction de l'échec scolaire juste parce que la manière de concevoir le monde n'est pas le même.

Et puis j'ai construit ma grille de lecture du monde grâce à la sociologie. Je me suis passionnée pour le traitement de l'homme par l'homme: de l'enfant sauvage Victor, éduqué et violenté par Jean-Gaspard Itard, les orphelinats pouponnières où les enfants isolés n'ont pas de développement mental, les asiles, les prisons, les "traitements" de la folie. Michel Foucault comme première approche. Je me suis intéressée à ces enfants empêchés d'apprendre, via Maria Montessori, psychiatre pour enfants débiles. Je me suis intéressée à la violence subie, à la violence comme réponse aussi, de la part de ces enfants/ ados.

En sociologie, mon mémoire portait sur la représentation du monstre. Encore un peu trop fragile pour prendre le sujet de front, je l'ai approché par le versant culturel: ce qui nous parait monstrueux dans l'autre, les foires aux monstres, la folie. Mais déjà le défaut d'inhibition y était. De manière un peu tapageuse, un peu révoltée, le monstre et sa part d'humain à ne pas montrer: folie et corps à ne pas présenter, entre le monstre perturbant sexualisé Alien, et la vraie réticence de l'homme pour l'homme. Déjà.

Et me voilà dans le rôle de professeur d'élèves à besoins éducatifs particuliers. Je viens de sortir d'un cours de ma formation au CAPPEI (et 1ère année de APRIBEP): l'image et la gestion du fou dans l'histoire. Tous les noms que nous avons donnés, donnons encore à ces individus non compris par défaut de la science, par imagerie médiévale, religieuse, médicale, psychiatrique. Passionnant! Et avec un prof volontairement déstabilisant, nous incitant à une révolution intime. C'est mon tuteur cette année. Je ne sais pas si je pourrai échanger librement avec lui. Nos cours sont un peu parasités par des comportements, ben, limites (ou du moins très sclérosants pour moi). Mais sa vision me plait, si un jour j'arrive à en placer une. Aller dans la situation où notre narcissisme de prof ne sera jamais satisfait: n'être pas prof des bons élèves mais de ceux en échec scolaire, de ceux empêchés d'être de bons élèves.

 Qu'attendons-nous de nos élèves? Sa rappeler que Pinocchio n'est pas humain quand il change de peau, de bois à humaine, mais bien quand il ment.

dimanche 24 novembre 2024

J'ai eu 49 ans, mon fils en a 18, je suis professeur depuis 6 ans....

 Je prends du temps sur le temps. Je n'en ai pas. Enfin si. Enfin non. Je ne vis que par procuration. Enfin non. Enfin si.

Mon corps ne me permet pas une liberté que je n'ai, en fait, jamais vraiment connue. Mes enthousiasmes, mes rêves, mes bonds de joie, ne seront peut-être plus envisageables. Enfin pas les mêmes, je revois tout à la baisse moi qui n'ai jamais eu d'ambition pour moi.

J'ai l'impression d'avoir le corps d'une grand-mère. J'ai joué avec lui. Enfin non. Enfin si. Il a tout pris pour que ma cervelle s'en sorte. Il a tenu le choc. Maintenant il me dit qu'il faut que je le considère, lui aussi. Que je mette les moyens pour qu'il me tienne, pour qu'il accepte encore de me laisser marcher longtemps. Dormir, marcher, rester indépendante, nager, courir (ah bah ça non!). Mes rêves m'imaginent jouer avec la gravité: grimper aux arbres, surfer sur les vagues avec une aile, jouer de mon corps comme d'un parachute, courir dans la forêt pieds nus, escalader.

Rien n'est possible même marcher fut quelques temps douloureux donc adieu randonnées.

Mon esprit est surchargé. Je crois que j'en avais besoin. Le fait de réfléchir sur l'éducation du lutin, chenapan, crapouillot, m'a permis de me libérer un temps du poids d'une réflexion en roue libre, en cercle vicieux. J'ai vécu aussi à travers lui, à travers ce que je mettais en place pour lui.

Devenir prof a été une autre magnifique idée. Ma formation de sociologue m'a offert une grille de lecture, là j'en ai une autre qui va être constructive aussi pour autrui. Du jeune autrui. Je n'ai pu me construire que comme ça. En cherchant, en analysant, en découvrant, en furetant.

J'ai un nouveau défi. Comme si être prof n'était pas suffisant. Enfin prof comme je l'entends: l'image d'Epinal, celui sur qui nous pouvons compter, celui qui va n'offrir que lui mais qui ne trahit pas le contrat, qui considère les petites et moyennes têtes comme du potentiel.

Je ne suis pas une bonne prof de quelque soit comme matière. Cette année c'est français et 14 heures de maths. Oui les maths, cette matière qui m'a désespérée longtemps car synonyme d'intelligence et de rapidité d'intelligence. Bah non, je suis lente.

Et ce nouveau défi alors: passer le CAPPEI, la certification pour l'enseignement spécialisée. Après mon second master, voici cette étape, peut-être suivie par un autre master en recherche. Et je suis sous l'eau. Moins qu'avant où je fournissais pour m'en sortir, pour avoir du grain à moudre à mes élèves. Plus qu'avant car la rigueur et l'expertise demandées sont encore hors de ma portée. Cela fait des années que je cherche, que je me forme, que je trouve en autodidacte souvent. Mais là, je dois reprendre un rythme plus conséquent. Je bosse continuellement. Mais apparemment avec lenteur.

Voilà, j'ai 49 ans et j'ai laissé une partie de ma vie. Je vis et survis. Je n'ai pas encore lâcher-prise. Pour que mes démons se fassent la malle. Enfin non. Enfin si. Pour que je les étiquette plus surement qu'avant, que je trouve comment m'en sortir avec eux. Je crois que j'ai trouvé une structure, une manière d'utiliser ma cervelle de manière constructive. Alors oui je lis beaucoup pour cette passion qu'est l'enseignement, pour la recherche avant l'enseignement. Pour l'instant je me suis oubliée.

Ecrire me permet d'avancer. Mon compte Instag* est prolixe mais mes billets trop courts. Ce blog me manque.