mardi 11 septembre 2012

Qu'est-ce que le beau?

C'est assez souvent que nous nous arrêtons devant une vitrine de galeriste. Nous entrons aussi parfois dans les coulisses, les tableaux emballés, déballés, pas encore encadrés... les sculptures en préparation, en réparation...

Chaque membre de la famille a son idée sur ce qu'est l'art et chacun a une idée sur ce qui est beau (et plus insidieusement sur ce qui est "monstrueux"). J'ai moi aussi, dans une autre vie, étudié la question de la représentation monstrueuse dans l'iconographie (et dans la vie). Cet été, le sujet s'est invité à deux reprises.

La première, la moins choquante, fut la découverte des œuvres du sculpteur mexicain Javier MARIN présentes sur le remblai baulois.
En balade au bord de la plage, le lutin est revenu avec des idées très arrêtées: c'est épouvantable, ça fait peur, ce sont les guerriers de l'enfer, il y a une tête décapitée, c'est moche. J'étais un peu mal à l'aise et sceptique, un artiste n'est pas exposé sur le chemin d'une balade familiale s'il présente des oeuvres choquantes. Si?! Alors nous y sommes allés tous les deux.
Et je me suis rendue compte que le jeune spectateur avait été influencé... par sa grand-mère et son arrière grand-mère. Certaines oeuvres les perturbent; dans d'autres, elles y voient une torture, une souffrance que je ne ressens pas.
Alors nous avons regardé à nouveau et pour chaque statue, nous nous sommes posés plein de questions.

Les têtes décapitées tout d'abord. Même si ce genre de mort a été entrevue dans des fictions par le lutin, je le soupçonne d'avoir pioché dans le vocabulaire d'un adulte accompagnateur.
En regardant donc les deux têtes je n'ai pu que sourire.

Effectivement, les têtes étaient "détachées" du corps mais...
- Est-ce que tu dessines toujours tes monstres en entier, de la tête au pied? Qu'est-ce que tu préfères chez eux, les yeux, les muscles, les cornes, les ailes, les armes?

- Est-ce que les hommes ou les femmes semblent souffrir? Elle a la bouche ouverte, les yeux qui pleurent... et puis derrière sa tête il y a un trou. Ah oui, bon! Les larmes oui, la bouche semi-ouverte... mais le trou.
Nous sommes donc passés derrière... et nous avons regardé cette trouée... - Est-ce qu'elle a une forme particulière? Bah oui, elle suit le contour de la tête. Cette immense tête de femme rouge offrait en effet à l'arrière le mystère de sa fabrication... elle n'était que épaisseur mince, résultat en creux.
Et puis cette texture le mettait mal à l'aise, les coups de spatule, les lignes de coupe ou d'assemblage.
Pour ma part, j'ai adoré cet effet de cire rajoutée dans l'oeil, sur l'iris, le cil ou la larme.


Et puis il y avait les guerriers écorchés vifs à aller inspecter. Écorchés vifs? Je revoyais encore les bocaux de formol, les freaks en photo, "L'écorché" de FRAGONARD, les momies ou l'exposition polémique "A corps ouvert".
Mais là juste trois guerriers pas très farouches.
- Est-ce que tu as peur qu'ils t'attaquent? Est-ce qu'ils te regardent? Pointent la lance vers toi? Est-ce que les chevaux galopent?  Est-ce que les combattants sont prêts au combat? ... surtout en regardant celui-ci ou les autres avec la position des jambes.


- Est-ce que tu vois la peau, les os, les organes?


Alors que fallait-il y voir? Un choix du sujet sculpté, une oeuvre perturbante... bon, il y avait bien cette femme comme attachée: comme des cordes, des lignes qui coupent le corps et le visage.
Et puis est-ce que le beau est obligatoirement mignon? Est-ce que le beau se rapporte au sujet ou à la manière de le traiter? Est-ce que le beau est quelque chose attendue ou quelque chose qui intrigue?


Il y a tout de même une oeuvre plus perturbante comme les roues de la vie et de la mort. Elle est constitué de bouts de corps, de mains tendues, de torses musculeux sculptés au plus proche d'une tension, des têtes aux bouches ouvertes ou grimaçantes, de sexes isolés... oui, ces roues sont déstabilisantes et là, oui, j'ai dû admettre qu'il pouvait ne pas aimer, du tout, et même moi je ne les ai pas trouvées belles et pourtant « Pour les Olmecs, la roue n'est pas un moyen de transport, mais un symbole de vie et de mort qui se perpétuent et se succèdent sans fin, l'allégorie d'une vie sans fin. » (extrait de l'article consacré dans le "Ouest France" du 20/07/2012)

Et la seconde fois fut le feuilletage d'un livre sur le cirque dans le temps: ces artistes, les affiches, la communauté nomade, les spectacles. Je ne mets volontairement aucune image!
Je n'aime pas le cirque, c'est un fait. Je n'aime pas le domptage, où même si les conditions de vie des animaux sont "respectueuses", même si les cirques ont permis la sauvegarde de certaines espèces, je ne cautionne pas l'utilisation... (et pourtant j'aime assez le domptage au cinéma, allez comprendre...).
Je n'aime pas les clowns et pas forcément la magie.
Reste les prouesses des gymnastes qui m’extasient, le jonglage aussi... enfin plutôt nouveau cirque.
Malgré le fait que le lutin ne soit encore jamais allé au cirque conventionnel (j'ai dit qu'ils iraient entre hommes!) il est attiré... alors nous avons ouvert les pages... des affiches, des artistes, des animaux... et des peuples... et des freaks.

Le monstrueux dans la rencontre d'autres hommes aux coutumes inconnues, aux contrées encore peu explorées... la fascination pour l'ethnique dans ce qu'elle a de fétide! L'autre obligatoirement sauvage, moche, laid... les femmes girafes qui ne sont que des femmes Padongs de Birmanie ou de Thaîlandes, les Vénus Hottentotes, les hommes plateau qui ne sont que des indiens d'Amazonie Kayapos.
Le monstrueux dans la difformité humaine. Des affiches et des photos présentaient ces hommes, ces femmes et ces enfants, siamois, microcéphales etc... J'ai tenté de cacher les pages mais une est apparue et suivant la lecture que nous faisons régulièrement, "La mélodie des tuyaux" de Benjamin LACOMBE, nous nous sommes arrêtés, un peu pour expliquer les déformations des organes, les maladies, les handicaps, les infirmités. Et la manière dont certains humains les mettent en avant pour choquer, faire peur, provoquer l'horreur. Encore une fois, la différence comme choc.
Je n'ai pas été très loin sur le sujet, plus tard, bien plus tard... nous reparlons d'ethnologie, d'anthropologie, de colonisation, de prétendue supériorité des peuples, de handicap, de maladies, de rapport à l'autre, de respect, nous verrons peut-être aussi "Freaks, la monstrueuse parade" ou La vénus noire", tout au moins "Elephant man"...

... et je me lirais bien "Zoos humains, au temps des exhibitions humaines".

Mais le beau humain dans tout cela? Est-ce une personne conforme? Identique à soi? aux normes actuelles de la beauté? Et qu'en est-il des vénus préhistoriques (Lespugue, Brassempouy, etc...)?

Aucun commentaire: