Après une semaine investie dans l'encouragement, le soutien et le partage d'émotions sportives sur terre rouge, reviennent les priorités personnelles. Utiliser encore ce temps disponible, imparti au quotidien et à ses gestions pesantes, reprendre de ce qui soutient l'effort: nourrir l'esprit.
J'ai longtemps cru que j'étais brouillonne, dissipée et en sur-stimulation extérieures. Un postulat assez péjoratif. Je me rends compte de plus en plus que ce n'est pas si catégorique, mes intérêts ne sont presque qu'une réaction à un manque énorme de stimulation intellectuelle par le passé. J'ai besoin, comme de l'eau pour s'hydrater, de regarder, de comprendre, de me questionner.
Et bien-sûr, quand une personne me prête si gentillement un précieux, je ne peux que succomber... le lire, prendre des notes, tenter d'imprégner.
Ici le précieux est un essai sur l'essence de la peinture chinoise classique: "L'Espace du rêve : mille ans de peinture chinoise" de François CHENG. J'aime énormément la peinture chinoise, enfin la peinture asiatique. Parce que ce qui me bouleverse n'est pas tant cette tradition d'une nation mais l'art du Trait, de l'Encre. Rien de mieux qu'un tel ouvrage pour tenter de saisir ce qui me plait, ce qui me parle.
Bien-sûr, comme à chaque lecture, je prépare un thé. Cette fois-ci j'y apporte aussi du soin. Ce ne sera pas une lecture rapide assise dans la canapé avec mes petits post-it hérissons et une tasse de thé avec infuseur Bodum comme ce qui suffit en général (et à ma tête, prise dans une distraction, et à ma bouche, juste intéressée par une soif et un soutien chaud et intérieur, comme une bonne écharpe) mais une lecture consciente, assidue avec prise de notes. J'aurais besoin de faire évader l'esprit quelques secondes sans perdre le fil... un petit passage au nez et à la bouche (wénxiāngbēi et chábēi) juste comme une respiration.
Je finis ainsi un Dao Ren Ma Feng fabuleux. Ce thé vert de Chine est un vieux thé de mon stock mais il garde sa très grande qualité. Une infusion très claire, transparente, jaune tirant sur le vert.
La respiration, le vide fait après le plein olfactif, le palais et la langue conscients du breuvage presque poudré en bouche, tiède et plein à la saveur d'asperge ou d'artichaut.
La respiration avec le regard attiré par les formes de cette peinture du chinois Tung Yuan ou Dong Yuan (932-976), "Peuple des campagnes faisant accueil au Dragon". Les petits habitants, minuscules points blancs au second plan et au centre (vous les verrez mieux là), attendent le Dragon, l'Empereur. Et comme le dit si bien François CHENG, toute la nature semble en attente. Et le regard de la scène dévie vers le vide au dernier plan.
Le nez, la bouche et les yeux, de plein vers le vide... et une soif de l'esprit satisfaite encore, ligne après ligne.
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