vendredi 5 février 2010

La peinture devenant réalité: Wang-Fô... ou Shitao


"Personne ne peignait mieux que Wang-Fô les montagnes sortant du brouillard, les lacs avec des vols de libellules, et les grandes houles du Pacifique vues des côtes. On disait que ses images saintes exauçaient d'emblée les prières; quand il peignait un cheval, il fallait toujours qu'il le montrât attaché à un piquet ou tenu par une bride, sans quoi le cheval s'échappait au grand galop du tableau pour ne plus revenir. Les voleurs n'osaient pas entrer chez les gens pour qui Wang-Fô avait peint un chien de garde."
(extrait tiré de "Comment Wang-Fô fut sauvé" de Marguerite YOURCENAR, conte dont je parle )

*source Shitao

jeudi 4 février 2010

Je vais t'appendre la politesse, moi

Non mais, des fois !!

Le soir, en rentrant de l'école, le lutin est assez claire: "Je veux mon lait!" et moi "je veux, je veux... je ne comprend pas". Arrive après le "s'il te plait", et mon rajout appuyé et théâtral "maman d'amour" mais à la répétition cela ne me va toujours pas. La dernière fois, ce fut différent.
"- Je veux mon lait !
- Je veux mon thé !
- ...
- Alors je te prépare ton lait et tu me verses mon thé, d'accord?
- Oui ! "
Ce soir c'était " Est-ce que je pourrais avoir mon lait maman d'amour? Je te prépare ton thé"

... mon thé aromatisé aux huiles essentielles "Thé au Tibet" me fut donc versé de la théière éléphant (celle du lutin) à ma tasse. L'autre soir, ses mains étaient fébriles. Ce soir, il m'a demandé de ne pas faire trop chauffer l'eau pour pouvoir mettre sa main droite le pouce sur le bas de l'anse et le reste de la main sur le côté et le dessous de la théière... l'autre main sur le dos de l'éléphant pour que le couvercle ne tombe pas. Il a d'ailleurs déjà pris des coups mais nous connaissons le sors réservé aux ustensiles de vie maintenant.

Et puis j'avais ramené des douceurs que ma maman m'offrait de temps en temps enfant: des figues zagros et du pain d'épices (le meilleur que j'ai mangé jusqu'à ce jour) Baramel Breizh.
Un pain d'épices très sucré, très concentré, qui colle aux doigts, s'effrite et fond en bouche.
Des figues très peu sucrées, à la peau très dure et non avenante, au cœur délicieux. Il faut oser croquer dedans.

Le sauvage à l'intérieur de soi

En très bonne compagnie, au rayon jeunesse, nous avons craqué l’une et l’autre sur deux livres différents. J’avais vu une couverture, lu la quatrième de couverture, et pris l’exemplaire sûr d’y trouver mon compte.
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©David ALMOND et Dave McKEAN/Gallimard Jeunesse

« Le sauvage » de David ALMOND, illustré par Dave McKEAN
est un coup de fouet, un coup de hache, un coup de cœur. Le propos est dur (mais pas tant), l’illustration extrême mais il faut oser lire page après page.
Blue est un garçon qui vient de perdre son père d’un arrêt cardiaque. La psychologue scolaire demande alors à l’enfant d’écrire ce qu’il ressent face à ce deuil. Rien ne sort, ni par la bouche ni par la main. Blue est dans une famille à la sensibilité sans faille. Ses parents l’aident, le soutiennent, lui apportent réconfort et amour. La mère, restée seule, est toujours aussi présente et attentionnée.
Mais les mots ne viennent pas pour décrire cette horreur, cette « p. d’horreur ». Un jour, Blue se met à écrire une histoire (quelques morceaux présents avec l’orthographe et la grammaire d’origine). Pas de celles qui n’ont aucun lien avec la réalité, trop mièvres : « Moi, ce que je voulais, c’était du sang, des tripes et de l’aventure, et c’est ce que j’avais imaginé. » Le sauvage nait de sa plume, un enfant vivant dans les bois, de rapines, de liberté, de meurtres. Et grâce à cette histoire qui prend vie, Blue exprime son agressivité, sa haine, son envie d’être ailleurs.

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©David ALMOND et Dave McKEAN/Gallimard Jeunesse

Il est question de cette communication qui peut péricliter même dans une famille extrêmement attentive. Un enfant qui ne sait plus dire ou qui ne veut plus pour ne pas surcharger de peine
C’est aussi un livre sur l’agressivité des enfants. Agressivité « ordinaire » d’un petit tyran d’école ou agressivité meurtrière, de survie, de haine contre la vie et les hommes. J’ai beaucoup aimé ce regard sur l’agressivité comme une inadaptation, une faiblesse, une jalousie. J’ai aimé cette autre pour ce que l’enfant a en lui sans jamais pouvoir assouvir sa haine, sa violence, pour contrecarrer celle qui vient de la vie, celle qui peut venir des adultes (même si ce n’est pas le sujet du livre).
Le deuil est aussi, bien sûr, au centre du livre. Et avec nuances, nuance des souvenirs, présents et nombreux auxquels on peut se raccrocher, si infimes qu’ils ne seront pas une frustration. Ce deuil de l’entre-deux, d’un enfant, qui a profité de son père mais pas assez pour savoir ce qui aurait pu advenir. Ce travail de deuil, comme une reprise au goût de la vie, aux petits bonheurs. Le sauvage va découvrir la dualité des hommes et l’intérêt de certains. Un bonheur comme de la joie, un pique-nique et de la danse. Le langage a aussi beaucoup de place, avec les poèmes : « Bien sûr, le sauvage n’avait pas de mots, il bredouillait, grondait ou haletait, il ne connaissait rien aux mots. Comment il aurait pu ? Pourtan il commençait à apprendre.»
Et puis enfin ce transfert, cette voix extérieure lors d’une lecture à voix haute, qui permet de dire ce que nous avons au fond de nous. Une offrande à la famille.

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©David ALMOND et Dave McKEAN/Gallimard Jeunesse

Et que dire des illustrations de Dave McKEAN. Il reste fidèle à lui-même. J’ai de lui de nombreux artbooks en anglais reprenant ces petits tiroirs de curiosités, ces montages photographiques, à la fois glauques, pertinents, dérangeants et si interrogateurs. Ces dessins sont aussi « chargés » de double sens adulte. Le sauvage est vraiment cruel, presque métamorphosé en cauchemars. J’avais pris quelques illustrations de cet artiste ici et . Allez donc voir son site.

Un avis pertinent chez Claire ici.

Imperceptibles changements, "Ton héritage" de Biolay

Je me demande souvent quel héritage je vais laisser. Je ne parle pas du matériel, de l'argent... je parle de ce qui, aussi, m'a fait continuer d'entretenir ce blog.

Je parle de cet héritage après... et avant la mort, je parle de cette modification minime de perception, cette attention nouvelle, ce frémissement beaucoup plus ressenti. Je parle de ces infimes déviations suite à notre rencontre, suite à notre relation. Ce qui fait que ce nous reste interchangeable mais imperceptiblement unique.

Et puis j'ai tellement envie de leur transmettre cette envie d'ouvrir les fenêtres pendant l'orage, de toujours aimer danser en attendant aux caisses, cette manière de toucher en contact, cette imperceptible besoin de se réveiller en musique...
un émerveillement enfantin, un regard incisif, cynique ou tendre selon les humeurs, cette envie de vivre et cette nostalgie peut-être nécessaire à la création.

Et en découvrant la chanson "Ton Héritage" de Benjamin BIOLAY, dans son dernier album "La superbe", ce sont toutes ces impressions qui me reviennent... (magnifique album en passant).



"Si tu aimes les soirs de pluie
Mon enfant, mon enfant
Les ruelles de l'Italie
Et les pas des passants
Éternelle litanie
Des feuilles mortes dans le vent
Qui poussent un dernier cri
Crie mon enfant

Si tu aimes les éclaircies
Mon enfant, mon enfant
Prendre un bain de minuit
Dans le grand océan
Si tu aimes la mauvaise vie
Ton reflet dans l'étang
Si tu veux tes amis
Près de toi tout le temps

Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents
Si tu as peur de la bombe
Et du ciel trop grand
Si tu parles à ton ombre
De temps en temps

Si tu aimes la marée basse
Mon enfant, mon enfant
Le soleil sur la terrasse
Et la lune sous le vent
Si l'on perd souvent ta trace
Dès qu'arrive le printemps
Si la vie te dépasse
Passe mon enfant

Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ça sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou plutôt sans

Si tu oublies les prénoms
Les adresses et les âges
Mais presque jamais le son
D'une voix, un visage
Si tu aimes ce qui est bon
Si tu vois des mirages
Si tu préfères Paris
Quand vient l'orage

Si tu aimes les goûts amers
Et les hivers tout blancs
Si tu aimes les derniers verres
Et les mystères troublants
Si tu aimes sentir la terre
Et jaillir le volcan
Si tu as peur du vide
Vide mon enfant

Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ça sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou plutôt sans

Si tu aimes partir avant
Mon enfant, mon enfant
Avant que l'autre s'éveille
Avant qu'il te laisse en plan
Si tu as peur du sommeil
Et que passe le temps
Si tu aimes l'automne vermeil
Merveille rouge sang

Si tu as peur de la foule
Mais supporte les gens
Si tes idéaux s'écroulent
Le soir de tes 20 ans
Et si tout se déroule
Jamais comme dans tes plans
Si tu n'es qu'une pierre qui roule
Roule mon enfant

Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ça sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou plutôt sans

Mon enfant...Mon enfant..."

mercredi 3 février 2010

Un petit-déjeuner de noix et glands

Un petit-déjeuner comme un début de partage avec les gnomes et les écureuils. Les gnomes et leur petit-déjeuner très forestier, les écureuils et leurs noisettes et Muk de glands de Nick l'étranger... enfin un petit peu avec le yannoh (mélange torréfié d'orge, de seigle, de chicorée et de glands).Ma grand-mère m'a permise de récupérer leur casse-noix traditionnel, si beau avec sa forme de coque de noix. Le lutin, pas gnome pour un sou, appâté par la nourriture, s'exerce à la motricité de ses poignets et à la force de ses mains.

lundi 1 février 2010

Cowboy ou équilibre sur 2 roues de draisienne

Nous n’étions pas d’accord ! Des fois, il est vrai, je vais beaucoup trop loin en matière de volontés éducatives (quant à l’éducation réellement faite, il y a toujours un pas, petit ou de géant). Des fois… enfin encore et encore, voire toujours, je cherche des éléments sur la pédagogie ou sur certains apprentissages qui ne sont pas à l’ordre du jour : apprentissage pour un enfant de 8/10 ans quand il n’a que 3 ans, apprentissage et adaptations pour les déficits divers et variés et souvent je pioche allègrement dans tous les superbes apprentissages et éveils faits par les écoles à la maison (j’ai failli dire mamans prodiguant) et les parents d’enfants autistes.

J’argumente souvent que les premiers apprentissages sont les principaux, ceux avec lesquels l’enfant se construit, forme son cerveau, édifie sa logique et les moyens d’utilisations de son intelligence. En suivant la pensée de Montessori, je continue en marquant qu’il est nécessaire de trouver le matériel adéquat pour que l’enfant apprenne seul. Le notre bien-sûr, et uniquement depuis que ce passage à l’éducation Montessori institutionnalisée n’est plus de mise à la maison !
Alors oui, j’ai porté mon dévolu sur la draisienne, vous savez ce vélo sans pédale. Si vous ne voyez pas ce dont il est question, n’hésitez pas à aller chez la Poule pondeuse lire cela. C’est en fait un remplacement de tous les tricycles et vélo à petites roues.
Le postulat est simple : proposer à l’enfant, dès l’âge de ses premières courses (donc des premiers équilibres en mouvement, soit entre 18 mois et 2 ans 1/2), de trouver son équilibre porté par le « vélo ». Il ne s’agit pas d’un vélo sans petites roues. La structure n’est pas la même : la selle est plus basse, le pied devant être bien à plat au sol, le guidon a une butée et permet de ne tourner que très légèrement.

Notre loupiot a plus de 3 ans. Et au final, nous avons décidé d’acheter une draisienne, il a fallu 6 mois pour trouver les avantages de ce « vélo » avant le vélo. Alors après l’achat et la pratique quels sont les avantages ? Et bien un émerveillement !

La draisienne avance à l’aide des pieds de l’enfant, la propulsion est volontaire… le frein étant aussi les pieds, il n’y a pas d’intermédiaire, l’enfant choisit son allure et les réflexes sont plus vite découverts… sauf en descente bien-sûr ! Le fait de « bloquer » le guidon aussi permet de ne pas perdre l’équilibre par déséquilibre de l’engin. Et ce n’était pas trop tard pour le lutin, il va à une allure folle et se demande pourquoi je cours à côté de lui. Il freine aussi de manière très maîtrisée, il n’y a pas cet effet de déséquilibre vers l’avant du vélo, là tout s’arrête en bloc. Bon, il est vrai qu’il aime à aller jusqu’à quelques centimètres des promeneurs… comme par goût d’un certain défi.
Il a par contre une certaine inconscience du danger. La draisienne se fait accompagnée, toujours, et avec un casque c’est encore mieux. Les pentes sont montées avec énergie et les descentes en flèche aux désarrois d’une maman courant et d’un papa transi derrière. Il y a aussi cette allure de dos, de cowboy aux jambes arquées… mais au fur et à mesure cela s’efface pour augmenter la vitesse.
Dernier petit mot : si vous voulez acheter une draisienne, attention à la sécurité (l’affolement n’est pas loin dans les tests de consommation), à la durée de vie et à la taille de l’entrejambe. Pour notre part, le choix s’est fait sur la référence haut de gamme et nous ne regrettons pas, même pour un enfant qui a passé 3 ans (modèle classique avec une selle rehaussée en option, cela permettra à un autre enfant de s’en servir et à notre loupiot de bien se dépenser en apprenant à trouver son équilibre).